Qui est Michèle Firk?

Avant l’ouverture du café-librairie, cet espace investi par la Parole Errante depuis 1997 avait été nommé «  Café Michèle Firk  » par Armand Gatti, en hommage à la jeune journaliste et cinéaste partie faire la révolution au Guatemala, et personnage récurent de ses pièces. Nous avons gardé ce nom par la suite.

Couverture d’un ouvrage consacré aux écrits de Michèle Firk

Michèle Firk naquit en 1937. Elle s’inscrivit à 19 ans au Parti Communiste Français. Elle mène très vite de front une activité intense de militantisme politique, notamment en participant aux réseaux de soutien du FLN en France durant la guerre d’Algérie, où elle joua un rôle important, et une activité d’animatrice culturelle — après avoir fait l’IDHEC, elle anime le Ciné-Club Action, collabore à la revue Positif dont elle est membre du comité de rédaction, à Cinéma 58, 59…
En 1962, elle prépare et publie un numéro spécial de Positif sur le cinéma cubain ; en 1963, invitée par l’iCAlC, l’Institut du Cinéma, elle part à Cuba où elle va rester presque un an. Elle ne se borne pas à rester à La Havane, mais parcourt l’île entière, travaille en Oriente à la récolte du café, revient persuadée de la justesse de la « ligne cubaine ».
Elle retourne à Cuba en 1965, pour encore plusieurs mois ; elle y travaille à un film de montage sur la révolution cubaine. Parallèlement elle collabore au travail militant de la Voie Communiste. Dès son second retour elle milite en France à propos de Saint-Domingue, du Vietnam. Mais elle a pris contact avec les militants des FAR, Forces Armées Révolutionnaires guatémaltèques, et, d’accord avec César Montés, elle part pour un premier voyage au Guatemala entre mai et septembre 1967.

Dès son retour elle pense à son prochain voyage là-bas, voyage quelle sait déjà probablement définitif. Elle quitte Paris en mai 1968, après avoir eu le temps de voir les premières barricades au Quartier Latin.
En août 1968, les journaux signalent qu’un commando guérillero des FAR a exécuté l’ambassadeur américain au Guatemala. Début septembre, les journaux annoncent qu’une jeune Française au nom imprécis s’est suicidée pour ne pas répondre aux enquêteurs venus l’interroger sur sa participation à l’attentat contre l’ambassadeur. Des démarches effectuées par la famille de Michèle Firk, du voyage que fit sa sœur à Cludad Guatemala, Il semble ressortir que la version officielle est vraisemblable : Michèle
Firk, semble-t-il, s’est bien tiré une balle dans la bouche pour échapper au sort classique des militants révolutionnaires faits prisonniers.
(…)

Michèle Firk est enterrée dans un petit cimetière populaire de Ciudad-Guatemaia. Sur sa tombe il y a une simple pierre, avec son nom. Elle restera pour tous ceux qui l’ont connue l’exemple même de la militante révolutionnaire totale, qui avait choisi délibérément une voie, la plus dangereuse, l’endroit le plus périlleux, et qui est morte en connaissance de cause, heureuse — elle l’écrivit peu avant sa mort — d’avoir pu vivre pleinement en conformité avec les exigences de ses idées.


Lettre écrite à ses amis le 17 mai 1967: « Au cas où… »

« Chers camarades,

Je vous laisse cette lettre car, si j’avais omis d’y penser moi-même, « l’affaire Debray » est là qui nous enseigne à quel point il faut être vigilant lorsque l’on décide de s’engager entièrement et jusqu’au bout dans la lutte anti-impérialiste. Quand les faits sont trop précis, la bourgeoisie s’efforce de dénaturer leur sens afin d’en délimiter la portée et elle amène les idées sur le terrain où elle peut le mieux les pourfendre – le plus loin possible de la politique.

L’extrême-droite a fait de Régis un « traître » à sa classe, à sa patrie. La grande bourgeoisie, bien plus intelligente, s’est contentée, patelinement, de le réduire aux dimensions d’un jeune homme rêveur, généreux, quichottesque, chiristique, un peu toqué peut-être, en bref récupérable demain, même si on doit le surveiller d’un peu près. Rien de tel ne me guette, je représente tout ce qui fait horreur : un terrain mouvant, l’insécurité, l’instabilité, « l’asociabilité ». Il n’en sera que plus facile de me condamner au nom d’un goût suspect pour « les aventures » et le « Tiers Monde » et de faire oublier qu’il s’agit avant tout d’un combat politique. Rien n’est plus important que le combat contre l’ennemi impérialiste parce que nous sommes tous menacés, cernés et que nous ne pouvons pas ne pas choisir. Il n’est pas honteux, au contraire, de faire de la lutte révolutionnaire l’axe de sa vie, autour duquel tout le reste ne sera qu’accessoire. Ce qui est ‘eux, c’est de converser du Vietnam, les doigts de pied dans le sable, sans rien changer à sa vie, de parler des guérillas en Amérique latine comme du tour de chant de Johnny Hallyday. Ce qui est honteux, c’est d’être « informé objectivement », c’est-à-dire de loin, sans jamais prendre part. Nous sommes des citoyens du monde et le monde est vaste : ici ou là, peu importe. Il n’est point de fatalisme géographique. Mes moyens sont limités et faibles. Cependant je les ai mis tout entiers dans le combat et je refuse à quiconque le droit de me voler les idées au nom desquelles je me battrai jusqu’à la mort, celles du « Che », de Fidel, du peuple vietnamien. Dans la lutte contre l’impérialisme américain, tous les champs de bataille sont glorieux. Pourtant la gloire est bien ce qui nous est le plus indifférent.

Chers camarades, ne permettez pas que l’on fasse de moi autre chose que ce que je suis et ce que je veux être : une combattante révolutionnaire. Comme dit le « Che », « jusqu’à la victoire toujours ! ».

17 mai 1967. Michèle Firk. »