Le café librairie Michèle Firk est une librairie et un café.
Le café-librairie Michèle Firk existe depuis le printemps 2012. Situé à l’entrée avec une vitrine donnant sur la rue, ce lieu est à la fois librairie, café-buvette, espace d’accueil, de rencontres et de croisements au sein du centre de création qu’est la Parole Errante.
Les origines du café-librairie
L’ espace aujourd’hui habité par le café-librairie avait été nommé « café Michèle Firk » par Armand Gatti, en hommage à la jeune journaliste et cinéaste partie faire la révolution au Guatemala, personnage récurent de ses pièces. Cet espace vacant à l’entrée de la Parole errante appelait à être investi, pour accueillir et convier à la participation aux activités du lieu.
Par ailleurs une dizaine de personnes fréquentant la Parole errante et issus d’horizons divers – certains travaillant pour des éditeurs (Entremonde, la Lenteur), des distributeurs (le réseau Court-circuit), ou des revues (la revue de critiques sociales Z), certaines participant à des associations basées à la Parole errante (L’Amorce, le groupe Toppo, l’Atelier menuiserie), d’autres au chômage mais ayant des pratiques d’écriture, … – avaient un projet de librairie associative, espace vivant consacré aux livres, qui tranche tant dans son fond que dans ses pratiques avec une librairie classique prise dans la gestion des flux de nouveautés.
Ils fondèrent l’ association Libelles, support administratif des activités du futur café-librairie Michèle Firk, et allèrent à la rencontre des éditeurs afin de constituer un fond de livres, tout en collectant à travers un appel à dons public, de nombreux livres d’occasions. Dans le même temps ils discutèrent avec l’administration de la Parole Errante, qui leur donna son accord pour créer un espace d’accueil du public des événements et spectacles de la Parole Errante, qui serait en même temps un espace dédié aux livres. L’atelier menuiserie de la Parole errante se chargea de l’adaptation sur-mesure de l’espace Michèle Firk à sa nouvelle fonction de librairie et de bibliothèque.
Le café-librairie comme espace vivant dédié aux livres
La constitution du fond de la librairie s’est construit – et se construit encore – peu à peu, au gré des travaux en cours et des événements accueillis à la Parole errante, des rencontres avec les éditeurs, de l’actualité de la ville ou des discussions politiques en cours dans l’espace public. Les livres sont soigneusement choisis par les cafetiers-libraires, et le fond ainsi constitué est très large : se mêlent dans les étagères essais politiques, romans, revues de critique sociales, théâtre, fanzines, polars, bd, poésie, brochures, … De nombreux dons de livres d’occasions sont également reçus, souvent de la part d’usagers du café-librairie. Ils vont rejoindre le large fond de livres d’occasions à prix libre.
Les cafetiers-libraires ont d’emblée décidé de travailler directement avec les éditeurs, et non de passer par un distributeur, afin de choisir précisément les livres proposés et d’établir des échanges plus directs avec les éditeurs. Sont en outre privilégiés les éditeurs indépendants, et des liens singuliers sont entretenus avec des éditions basées à Montreuil. De la même manière, pour l’approvisionnement de l’activité du café, les cafetiers-libraires se fournissent davantage auprès de petits producteurs que dans la grande distribution : jus de fruit du Tarn, café zappatiste, brasserie artisanale montreuilloise, … .
Chacun peut venir lire un livre, une brochure ou une revue sans forcément l’acheter. Il s’agit de ne pas seulement assurer une fonction de libraire, mais d’aider à partager des lectures, à mettre des livres au travail. Un livre bouquiné par plusieurs passants n’étant plus à proprement parlé « neuf », il est dans la démarche de la librairie d’adapter les prix aux usages. Tous nos livres de poche d’occasion sont à « prix libre », tant pour contenir la possibilité de la gratuité que pour travailler à instaurer un espace hybride, entre lieu de création, de consultation et de commerce. L’activité de Michèle Firk implique un rapport vivant, actif, au livre ; comme dans les autres activités de la Parole errante, il s’agit de mettre en cause les barrières entre création, diffusion et réception.
Le café-librairie comme espace de recherches et de créations
Dès le départ, le café-librairie a été pensé comme lieu articulé aux autres espaces de la Parole Errante. Une structure associative permet d’inclure dans le fonctionnement du café-librairie les personnes déjà installées dans la Parole Errante (les revues, l’atelier menuiserie, les collectifs de créations documentaires, les troupes de théâtre, etc.) et des habitués du lieu. C’est par exemple l’atelier menuiserie de la Parole Errante qui se chargea de l’adaptation sur-mesure de l’espace Michèle Firk à sa fonction de librairie. Les rédacteurs des revues Z et Jef Klak s’y réunissent régulièrement en comité de rédaction. Des habitués de la librairie s’y sont aussi rencontrés et ont crée, aidés des bénévoles de Michèle Firk, une revue pour enfants de 2 à 5 ans, brins d’herbes et graffitis.
Il ne suffit pas d’ouvrir sa porte pour fabriquer un lieu ouvert. En ce sens, la participation des cafetiers-libraires à d’autres activités accueillies à la Parole Errante, rend l’espace habité, traversé des recherches en cours et invite ainsi d’autant plus à la rencontre et à la participation à la Parole Errante comme centre de création.
Les liens entre Michèle Firk et la Parole Errante fabriquent ainsi une librairie hybride, entre bibliothèque de lecture, centre de ressources documentaires et espace de travail et de création. Les livres y sont au centre pour être lus, discutés, travaillés, déplacés et utilisés sans que les libraires ne présument du comment.
Le café-librairie comme espace hospitalier au cœur de la Métropole
Le café-librairie est ouvert de manière fixe du mercredi au samedi de 15h à 20h, et occasionnellement lors de soirées organisées par la librairie ou lors des grands événements se déroulant dans la grande salle de la Parole errante. Cette ouverture est assurée par un cafetier-libraire bénévole ; on parle de « permanence ».
Le terme de « café » insiste sur l’aspect ouvert et convivial de cet espace consacré aux livres. Pendant les heures d’ouverture, chaque cafetier-libraire a sa manière de décliner son accueil, mais ils fabriquent tous ensemble un lieu hospitalier, qui se définit moins par sa fonction commerciale que par son potentiel en tant qu’espace vivant, c’est-à-dire de possibilité d’être là, de s’y sentir bienvenu. Il s’agit de proposer un espace hospitalier au cœur de la métropole parisienne. L’accueil n’est pas une chose donnée d’avance, mais toujours à construire et refaire.
Dans cette perspective d’ouverture sur la ville, l’équipe, constituée d’une quinzaine de bénévoles, a d’emblée développé un principe de collectif ouvert et de fonctionnement coopératif, proposant une fois par mois des réunions publiques aux usagers de la librairie, invitant à l’initiative et à la participation au fonctionnement interne : proposer des soirées de discussion autour d’un livre ou d’un thème, tenir des permanences, conseiller des livres à commander… Cela permet un élargissement régulier des bénévoles de la librairie, et le partage des savoir-faire de libraire.
Le café-librairie comme espace de rencontres et d’ateliers
Outre les activités fixes de café et de librairie, les cafetiers-librairie élaborent également une programmation mensuelle de rencontres. Ces évènements réguliers, proposés chaque mois depuis les débuts du café-librairie, se font autour de problématiques qui débordent largement le champ littéraire. La programmation des discussions se décline sous plusieurs axes, la plupart à l’intérieur du local de la librairie, mais aussi à l’extérieur, soit en lien avec les événements de la Parole Errante, soit en rapport avec d’autres lieux, événements ou collectifs et associations.
* Faire découvrir des livres, des revues, des éditeurs
A l’invitation des café-libraires ou suite à une proposition des éditeurs ou des auteurs eux-mêmes, des auteurs, des éditeurs ou des traducteurs, viennent chaque mois présenter des livres ou revues, au moment de leurs sorties, voire en exclusivité. C’est ainsi régulièrement le cas avec les revues Z, Jef Klak, Exemple, Interciudad, Chimères, et avec les éditions Entremonde, La Lenteur, Pontcerq, Verticales, etc.
La librairie a par exemple accueilli Vassili Golovanov, auteur de « Éloge des voyages insensés » de la collection littérature russe des éditions Verdier, le lancement de « Ulrike Meinhoff » de Alain Lacroix paru chez Pontcerq, le traducteur de « Crack capitalisme » publié à Libertalia, ou encore les auteurs de « la liberté dans le coma » édité par La Lenteur. On peut aussi citer la sortie du deuxième numéro de la revue Jef Klak : Bout dficelle, accompagné de la projection du film Appunti – notes sur le film Dodici dicembre de Jean-Baptiste Leroux, pour alimenter une discussion autour du reportage réalisé par l’équipe de Jef Klak à Milan.
* Pousser la barrière entre auteurs, éditeurs et lecteurs
Au delà de la présentation de livres sortis récemment, des écrivains et éditeurs sont régulièrement invités à des événements publics non promotionnels, afin de permettre d’autres liens et échanges entre éditeurs et lecteurs, professionnels et « publics », et d’autres rapport au livre que sa discussion.
Les éditions Al Dante, spécialisées dans la poésie, ont par exemple organisé une grande soirée de concert et de lectures.
Yves Pagès, auteur et éditeur chez Verticales, a donné une conférence-spectacle sur le Taylorisme et le management intitulée « Sommeil paradoxal »pour fêter les 3 ans du café-librairie.
* Approfondir des thèmes à partir de documents écrits, sonores ou filmiques
Depuis les débuts de la librairie sont régulièrement proposés des cycles de soirées de présentations de livres, revues, films ou photographies sur un même thème pour que s’établissent une continuité dans l’année et que se constitue des formes d’université populaire autour de certaines questions et histoires. Cela peut-être l’écologie avec des rencontres sur l’herboristerie, les résistances écologiques, les jardins partagés, ou encore sur l’urbanisme et la gentrification autour des projets du Grand Paris et des transformations de Montreuil.
Il s’agit d’approfondir des questionnements importants, parfois d’une brûlante actualité. Ainsi lors du vote de la loi sur la PMA, le café-librairie accueillit les auteurs d’un livre polémique se prononçant contre cette loi, avant de recevoir le mois suivant les deux auteures d’un article critiquant précisément ce livre pour la revue « L’An 02 »
Les problématiques débordent largement le champ littéraire, comme avec l’atelier de « déconstruction de la psychiatrie », devenu « les ateliers désaxés.ées » qui se déroulent chaque premier lundi du mois depuis septembre 2014, alternant discussions, partages d’expériences, lecture collective de textes choisis, projection de films, invitation d’un tiers extérieur, expert ou chercheur sur un thème plus précis de la psychiatrie : psychiatrie et transsexualité, sorcellerie, psychanalyse reichienne, les lieux d’accueil.
* Accompagner ce qui se passe ici et ailleurs
Lors de certains événements se déroulant dans la grande salle de la Parole errante, s’organisent dans le café-librairie des lectures ou des discussions pour les prolonger, comme lorsque la revue Cassandre a fêté son anniversaire à la Parole errante ou lors de la « Foire à l’autogestion » une fois par an.
Pour prolonger les soirées organisées au café-librairie et dans les autres espaces de la Parole errante, des livres mais aussi des archives et des documents d’actualité sont mis à disposition des usagers de la librairie sur de grandes tables de présentation, qui se déplacent à l’occasion dans la Grande Salle. Il s’agit ici aussi d’entretenir un rapport vivant aux livres et aux traces documentaires, dans la continuité du travail d’Armand Gatti et de la Parole errante.
Des groupes en résidence à la Parole Errante utilisent par ailleurs la librairie comme espace de travail et de création, comme le groupe de théâtre Toppo lors d’une série de discussions/écoutes sur le travail de Jerzy Grotowski, metteur en scène et théoricien polonais de théâtre.
Il arrive aussi aux libraires de participer hors les murs à d’autres événements, de déplacer une sélection choisies de livres dans d’autres lieux. Ainsi par exemple en 2013 et en 2015, lors des rencontres « Encore heureux » organisées dans le lieu de création de « la Fonderie » au Mans.
Prolonger
Michèle Firk est un espace transversal et implanté localement, lieu intermédiaire entre une librairie classique, un lieu de création, un centre documentaire ouvert, dans ses liens avec la Parole Errante et des acteurs culturels locaux. Si il existe une autre librairie dans Montreuil, il n’y aucun autre lieu qui soit à la fois lieu de ressource documentaire, aide à la création, partage de savoirs et de savoir-faire, universités populaires, bouquinerie, café convivial et salle de lecture ou de petits spectacles à l’occasion. De nombreuses discussions sont encore à prolonger, et il y aurait à développer de nombreux aspects du lieu.